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Entretien avec le Prof Dr méd. Camillo Ribi - Peut-on s’habituer aux pommes ?
La question revient régulièrement : une sorte de désensibilisation par une consommation régulière de pommes est-elle possible, à l’image de l’immunothérapie spécifique efficace contre l’allergie au pollen ? Nous avons posé la question au professeur Camillo Ribi, médecin-chef dans le Service d’immunologie et allergie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
1. Puis-je m’habituer à l’allergène en mangeant des pommes régulièrement ?
Chez certaines personnes présentant des réactions légères, on observe effectivement une certaine induction de tolérance. Cela peut se produire, par exemple, lorsqu’une petite quantité de pomme est consommée quotidiennement. Mais il ne s’agit pas d’une approche standardisée, et cela ne fonctionne pas pour tout le monde. Dans certains cas, les essais peuvent même s’avérer contre-productifs. C’est pourquoi il est recommandé de n’entreprendre une procédure de désensibilisation que sous supervision médicale.
2. Comment se déroule concrètement une telle désensibilisation ?
En pratique, nous choisissons avec la patiente ou le patient une variété de pomme, idéalement à forte teneur en Mal d 1 et disponible toute l’année, comme p.ex. la Golden Delicious. Le fruit est ensuite consommé cru, sous surveillance médicale : d’abord en très petites quantités, puis, une fois que le cap des symptômes est dépassé, un quartier de pomme jusqu’à une pomme entière. Il est possible qu’une réaction survienne. Dans ce cas, la procédure de désensibilisation est reprise une fois que les symptômes ont régressé. Il est ainsi généralement possible de dépasser la quantité de pomme ayant initialement déclenché une réaction. Les patient·e·s sont surveillés de près jusqu’à l’installation de la tolérance. Une fois qu’un quartier de pomme est toléré, la personne concernée peut en consommer la même quantité le jour suivant sans ressentir de symptômes. Il est alors très important de maintenir cette tolérance en consommant quotidiennement un quartier de pomme crue. En cas d’interruption de plusieurs jours, il est probable que l’allergie réapparaisse. Important à retenir : ce procédé n’est pas une thérapie officiellement reconnue, mais une démarche individuelle adaptée aux cas d’allergie légère à la pomme.
3. Existe-t-il une alternative pour les personnes souffrant d’une allergie à la pomme ?
Une immunothérapie spécifique contre le pollen de bouleau peut, dans certains cas, contribuer à réduire les réactions croisées à la pomme. Toutefois, il n’est pas rare que ce traitement n’ait aucun effet sur ce que l’on appelle également le syndrome oral croisé. Il arrive même, occasionnellement, que l’allergie à la pomme se déclare en cours d’immunothérapie spécifique dirigée contre le pollen. Dans ce cas, il faut le signaler au médecin ayant prescrit la désensibilisation.
Des symptômes isolés survenant après la consommation de pommes ne constituent donc pas, à eux seuls, une indication à une immunothérapie spécifique contre le pollen. En revanche, une évaluation allergologique est utile pour déterminer si les symptômes dans la bouche et la gorge associés à la consommation de pomme ou d’autres fruits et légumes crus relèvent bien d’un mécanisme d’allergie croisée. Dans de rares cas, l’allergie à la pomme peut être due à une forme plus sévère, indépendante du pollen de bouleau. La réaction n’est alors pas dirigée contre la protéine Mal d 1, mais contre d’autres protéines de la pomme. Cette forme d’allergie, indépendante de l’allergie au pollen de bouleau, ne peut actuellement pas être prise en charge par une désensibilisation. L’éviction complète des pommes demeure alors la seule option disponible.
Conclusion:
Il est possible de s’habituer progressivement aux pommes en cas d’allergies légères, sous surveillance médicale. Cependant, il ne s’agit pas d’une procédure standardisée et elle ne convient pas à tout le monde. Pour les personnes concernées, un examen allergologique reste essentiel afin d’éviter les risques et de définir des stratégies individuelles. En effet, aucune variété de pomme n’est universellement « sûre ». Un conseil personnalisé et un suivi étroit sont donc indispensables. Des informations et du soutien sont disponibles auprès de l’aha!infoline : 031 359 90 50.